Par Olivier Robin (PSI 2010)
Ecole Centrale de Nantes / Ecole Nationale d’Architecture de Nantes - Promo 2015
A la fin de mes deux années de classe préparatoire, j’ai pu intégrer l’Ecole Centrale de Nantes qui propose, outre sa formation d’ingénieur généraliste, une double formation d’ingénieur-architecte.
Pour pouvoir intégrer ce bi-cursus il y a une sélection dès la première année sur lettre de motivation et entretien pour ne retenir à la fin qu’une trentaine de candidats.
Au cours des deux premières années l’emploi du temps pour ce groupe d’élèves est aménagé (dispense de certains cours, heures supplémentaires dans l’agenda…) pour pouvoir suivre parallèlement aux cours d’ingénierie dispensés à Centrale, des cours à l’école d’architecture portant sur l’histoire de l’art, de l’architecture et du paysage dans le but de créer un socle pour la suite de nos études mais aussi d’alimenter nos réflexions pour les premiers projets architecturaux que nous devons réaliser chaque semestre. Ces projets sont évalués et constituent la suite de la sélection : les personnes ne les validant pas doivent alors arrêter la double formation. Ainsi, au bout de trois semestres, sur les trente élèves nous ne fûmes plus que quatorze.
A partir de là, avec la troisième année, l’étudiant s’engage à aller au bout de la formation quelles que soient les difficultés rencontrées à Centrale ou à l’école d’architecture. C’est un engagement assez conséquent car un abandon en cours de la formation d’architecte signifierait une impossibilité d’obtenir le diplôme de Centrale – le bâton et la carotte en quelque sorte. Les étudiants ont un semestre avant de donner leurs réponses définitives, le temps de partir en Erasmus ou réaliser un semestre à l’école d’architecture afin de vérifier leurs aspirations. A la rentrée de la troisième année de Centrale, nous n’étions plus que neuf à continuer.
Cette dernière année en école d’ingénieur était celle des spécialisations.
Pour les personnes suivant le double cursus le choix était obligatoirement celui de l’option génie-civil. J’ai mis cette phrase au passé car des réformes, sur lequel je ne suis pas tout à fait à jour, ont récemment modifié le schéma de la
formation avec la création de nouvelles options accessibles pour les doubles diplômes, portant sur la physique du bâtiment notamment. Ce semestre est entièrement dévolu à Centrale car intense tant les sujets à étudier sont nombreux, allant de la mécanique des sols à la composition du béton en passant par les calculs de structure. A la fin de ces six mois, là où normalement commence le « TFE » (stage long d’un semestre dans une entreprise pour le reste des centraliens), les bi-cursus intègrent complètement l’école d’architecture pour un an et demi (au minimum car nombreux sont ceux qui prennent un semestre de plus pour réaliser un stage long professionnalisant avant la fin de leurs études).
Pour la première fois nous sommes réellement mêlés aux restes des étudiants architectes sans distinction et la transition entre Centrale et l’école d’architecture est, disons-le, plutôt vertigineuse tant les gens, les mentalités et les enseignements sont différents. Avec le recul, si je ne suis pas sûr que cette double formation m’ait apporté les connaissances techniques auxquelles le nom d’ingénieur-architecte pourrait laisser penser (Centrale reste une école généraliste), j’ai réellement le sentiment qu’en termes de développement personnel et de capacités professionnels cette formation a été un véritable atout. Centrale donne cette curiosité et cette adaptabilité à tous les domaines, même ceux sur lesquels on ne connait rien, tandis que l’école d’architecture cultive la créativité et l’envie d’ajouter au réel cette part de rêve issue de notre imaginaire.
Par conséquent, à la sortie de la formation du double-cursus, en fonction des choix d’enseignements, de projets et de stages qui auront été fait, il n’y a pas de parcours type de l’ingénieur-architecte.
Je ne fais partie que de la troisième « génération » mais les personnes déjà diplômés se sont orientées vers des bureaux d’études techniques, d’autres dans des agences d’architectures ou bien encore dans des agences de conseils assistant les maitrises d’ouvrage. Pour ma part j’envisage plutôt une carrière dans le domaine de l’urbanisme ; le double diplôme ouvre des perspectives dans des domaines d’activités auxquels on n’aurait pas pensé de prime à bord. Aujourd’hui, le secteur de la construction n’étant pas au mieux de sa forme, beaucoup d’étudiants architectes mettent un long moment avant de trouver un emploi. Face à cela, le double diplôme est un très bon catalyseur pour accélérer ses recherches - du moment qu’on le valorise de la manière
adéquate car beaucoup d’employeurs potentiels ne connaissent pas encore cette double formation qui suscite parfois des réticences. Il est encore très souvent demandé de faire un choix entre les deux casquettes, mais ceux qui demandent cela n’ont justement pas compris l’utilité de la formation et à mon sens il n’y a pas à se positionner de la sorte. A l’issue de cette formation ce ne sont pas forcément nos compétences d’architecte ou d’ingénieur qui sont à valoriser, car nous ne sommes pas plus compétents que les autres architectes ou les autres ingénieurs, mais bien cette vision d’ensemble qui permet d‘associer les deux. Heureusement les mentalités changent peu à peu, il y a une prise de conscience sur l’intérêt de cette formation et de plus en plus d’écoles s’associent pour la mettre au point ; formation qui existe d’ailleurs aussi dans l’autre sens, architecte-ingénieur.
Le double cursus est un parcours long (cinq ans après la prépa) et exigeant mais extrêmement intéressant et épanouissant. C’est un double regard sur le monde qui nous entoure et qui aide à mieux le comprendre pour pouvoir l’améliorer. C’est une très belle aventure que je conseille à quiconque souhaiterait la tenter.